27 mars 2023

Plateforme Bolt : le chauffeur est qualifié de salarié

Dans l’hypothèse de travailleurs de plateforme numérique, la présomption de non-salariat peut être renversée à condition de démontrer l’existence d’un contrat de travail ;

Cette existence est établie lorsque ces personnes fournissent des prestations dans des conditions qui les placent dans un lien de subordination juridique permanente à l’égard du donneur d’ordre ;

Peut constituer un indice de subordination le travail au sein d’un service organisé lorsque l’employeur en détermine unilatéralement les conditions d’exécution.

Faits et procédure. Un chauffeur s’inscrit sur la plateforme Bolt en cette qualité. Il se voit remettre les conditions générales pour les partenaires chauffeurs, outre la politique de confidentialité.

Or, il voit son compte Bolt définitivement désactivé au motif qu’il a régulièrement fait l’objet de plaintes des clients. Il saisit alors la juridiction prud’homale.

La cour d’appel (CA Paris, 18 février 2021, n° 20/04502 Numéro Lexbase : A68574HG) retient plusieurs éléments de faits pour caractériser l’existence d’un lien de subordination permettant de démontrer l’existence d’un contrat de travail :

  • le chauffeur intègre un service organisé par la plateforme au sein duquel la seule clientèle qu’il peut obtenir en se connectant sur l’application Bolt est celle que celle-ci lui attribue ;
  • des consignes sont données au chauffeur concernant la manière de se comporter avec les clients ;
  • le chauffeur n’est pas libre de déterminer le moment et la durée d’utilisation de l’application puisqu’à tout moment la plateforme peut à son entière discrétion suspendre son accès ;
  • le chauffeur n’est pas libre de se constituer une clientèle propre, car il a interdiction d’utiliser les données personnelles des passagers accessibles via la plateforme. Il a interdiction de conduire dans son véhicule d’autres passagers que le client et les personnes accompagnant le client ;
  • le chauffeur doit emprunter l’itinéraire le moins coûteux et n’a pas le choix des tarifs qui étaient fixés par avance par la plateforme sur la base d’un tarif de base en fonction de la distance et de la durée du trajet déterminées par le système GPS. La société se réserve le droit d’ajuster le tarif en cas de la violation du choix de trajet. Le chauffeur a l’interdiction de percevoir des pourboires ;
  • la société Bolt peut à tout moment résilier de plein droit le contrat et pour toute raison dont l’appréciation est laissée à son entière discrétion en cas de manquement du chauffeur à ses obligations ;
  • la société Bolt se réserve également le droit de bloquer l’accès à la plateforme voire de suspendre définitivement l’accès en cas d’annulations de courses trop nombreuses ou en cas de note moyenne jugée trop faible.

En conséquence, la cour d’appel renverse la présomption simple de non-salariat en démontrant que la société Bolt lui a adressé des directives, en a contrôlé l’exécution et a exercé un pouvoir de sanction.

À noter. Ce raisonnement juridique peut être mobilisé dans le cadre du contentieux Uber.

La société forme un pourvoi en cassation.

La solution. Énonçant les solutions susvisées, la Chambre sociale de la Cour de cassation rejette le pourvoi sur le fondement de l’article L. 8221-6 du Code du travail Numéro Lexbase : L9737L7R.

Pour aller plus loin : v. ÉTUDE : Les critères du contrat de travail, Les présomptions de salariat et de non-salariat, in Droit du travail, Lexbase Numéro Lexbase : E5006YZG.



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