21 avril 2022

Travailleurs de plateforme numérique : comment s’apprécie l’existence du lien de subordination ?

► Il ne suffit pas de caractériser l'exercice d'un travail au sein d'un service organisé selon des conditions déterminées unilatéralement par la plateforme numérique pour déterminer l’existence d’un lien de subordination et par-delà d’un contrat de travail.

Faits et procédure. Un travailleur, ayant signé un contrôle de location longue durée d’un véhicule et un contrat d’adhésion au système informatisé, voit ses relations contractuelles rompues avec la plateforme numérique. Il saisit alors la juridiction prud’homale d’une demande de requalification de la relation contractuelle en contrat de travail.

La cour d’appel fait droit à sa demande en condamnant ainsi la plateforme numérique au versement de sommes à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de dommages et intérêts pour procédure irrégulière, d'indemnité compensatrice de congés payés, d'indemnité compensatrice de préavis, des congés payés afférents, de dommages et intérêts pour travail dissimulé.

Pour motiver sa décision et déterminer l’existence d’un contrat de travail, elle s’appuie sur divers indices suivants :

  • l'absence de libre choix du véhicule par le chauffeur ;
  • l'existence d’une interdépendance entre les contrats de location et d’adhésion à la plateforme ;
  • l'utilisation d’un système de localisation par GPS, en temps réel, du véhicule collecté afin que la plateforme puisse répartir de manière optimale et efficace les courses ;
  • l'indication par la plateforme du temps de prise en charge de la personne à transporter et du trajet à effectuer par ce système de localisation ;
  • le contrôle permanent de l’activité du chauffeur ;
  • la fixation et modification du montant de la course uniquement par la plateforme, au nom et pour le compte du chauffeur ;
  • l'utilisation d’un système de notation par les personnes transportées, correspondant à un pouvoir de sanction pour la plateforme selon l’article 3 du contrat d’adhésion.

Par ces indices, la cour d’appel en déduit que la plateforme détermine unilatéralement les conditions d’exécution de la prestation de services.

La solution. Énonçant la solution susvisée, la Chambre sociale de la Cour de cassation censure le raisonnement des juges du fond. En application de l’article L. 8221-6 du Code du travail Numéro Lexbase : L8160KGC, prévoyant une présomption de non-salariat en faveur des personnes immatriculées au RCS, et de la définition jurisprudentielle du lien de subordination, elle rappelle que pour caractériser un lien de subordination, l’exercice d’un travail au sein d’un service organisé est un indice parmi d’autres. Il faut en outre déterminer que la plateforme possède un pouvoir de direction (adresser au travailleur des directives sur les modalités d’exécution du travail), un pouvoir de contrôle et un pouvoir de sanction en cas d’inobservation de ses directives par le travailleur.

Pour aller plus loin :

  • v. Cass. soc., 28 novembre 2018, n° 17-20.079, FP-P+B+R+I Numéro Lexbase : A0887YN8 ; Cass. soc., 4 mars 2020, n° 19-13.316, FP-P+B+R+I Numéro Lexbase : A95123GE et récemment Cass. crim., 5 avril 2022, n° 20-81.775, FS-B Numéro Lexbase : A21527SI ;
  • v. aussi : ÉTUDE : Les critères du contrat de travail, Les présomptions de salariat et de non-salariat, in Droit du travail, Lexbase Numéro Lexbase : E5006YZG.

 



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