2 décembre 2022

Reconnaissance d’une situation de coemploi entre une société liquidée et la société mère du groupe auquel elle appartient

► Une société faisant partie d'un groupe peut être qualifiée de coemployeur du personnel employé par une autre s'il existe, au-delà de la nécessaire coordination des actions économiques entre les sociétés appartenant à un même groupe et de l'état de domination économique que cette appartenance peut engendrer, une immixtion permanente de cette société dans la gestion économique et sociale de la société employeur, conduisant à la perte totale d'autonomie d'action de cette dernière.

Faits et procédure. En l'espèce, une société X rachète une société Y.

Après avoir été licencié pour motif économique, un salarié saisit la juridiction prud’homale de demandes dirigées à la fois contre la société Y et contre la société X, pour obtenir leur condamnation in solidum à lui payer diverses sommes à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral et pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

La cour d’appel (CA Metz, 15 septembre 2020, n° 17/00700 Numéro Lexbase : A74513T7) reconnaît une situation de coemploi entre les deux sociétés, dès lors qu’à la suite du rachat de la société Y par la société X :

  • la société N n'avait plus de client propre et s'est retrouvée sous la totale dépendance économique de la société Y qui lui sous-traitait des transports et les organisait au travers des ordres de transport ;
  • la société X s'est substituée à la société Y dans la gestion de son personnel dans les relations tant individuelles que collectives, celle-ci n'ayant plus aucune autonomie dans l'élaboration des tournées des chauffeurs, leurs plannings, les relations avec les clients et même la gestion des congés de maladie des chauffeurs ou de leur temps de vote pour les institutions représentatives du personnel ;
  • la gestion financière et comptable de la société Y était assurée par la société X.

La société X forme un pourvoi en cassation.

La solution. Rappelant la solution susvisée, la Chambre sociale de la Cour de valide le raisonnement de la cour d’appel qui caractérise une situation de coemploi.

La cour d’appel a démontré une ingérence continuelle et anormale de la société mère dans la gestion économique et sociale de la filiale, allant au-delà de la nécessaire collaboration entre sociétés d'un même groupe, qui s'était traduite par l'éviction des organes de direction de la société Y dont faisait partie l'intéressé au profit de salariés de la société C.

La cour d'appel a ainsi caractérisé une immixtion permanente de la société mère dans la gestion économique et sociale de la société employeur, conduisant à la perte totale d'autonomie d'action de cette dernière, ce dont elle a exactement déduit l'existence d'une situation de coemploi.

Pour aller plus loin :

  • lire S. Olivennes, Le coemploi n’a pas dit son dernier mot, Lexbase Social, janvier 2021, n° 852 Numéro Lexbase : N6242BYT ;
  • v. ÉTUDE : La responsabilité civile de l’employeur, Hypothèses dans lesquelles le coemploi est reconnu, in Droit du travail, Lexbase Numéro Lexbase : E1028GAC.


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